Tournant

La France a intégré depuis longtemps que le rôle de l'agriculture consistait à nourrir une population qui devenait de plus en plus urbaine. C'est la raison pour laquelle elle a choisi dès la fin des années 40 un modèle productiviste dominant et les pouvoirs publics ont accompagné cette orientation.

La création de l'Union Européenne a accentué ce mouvement en accélérant la concentration des exploitations, en favorisant la mécanisation et le course aux rendements, ainsi que les échanges avec les autres pays.

De nourricière, l'agriculture est devenue ressource exportatrice et facteur d'équilibre commercial, la faute à la quasi-absence en Europe de ressources minières...

Les sols sont devenus des valeurs spéculatives, les fermes des exploitations qui se gèrent comme des entreprises et les hommes des techniciens hors pair, peut-être les meilleurs de la planète.

Sur ce, interviennent plusieurs phénomènes qui ont commencé à influer durablement sur le modèle d'agriculture européenne :

1) la généralisation de la marchandisation des productions agricoles a aiguisé l'appétit de nouvelles nations qui concurrencent notre modèle : production en masse d'huite, de soja, de maïs, de viande (bovins, ovins, poulets...), de vin...

2) l'organisation des marchés extérieurs et le développement de pays qui n'avaient pas de tradition exportatrice et qui recherchent un équilibre dans les échanges ; d'autant que certains d'entre eux ont des réserves foncières qu'ils n'hésitent pas à exploiter, parfois au détriment de la préservation de leur environnement.

3) le réchauffement climatique global qui s'applique de manière différenciée sur la planète et qui touche particulièrement les zones tempérées.

Or, l'agriculture française est un milieu social très conservateur, et tout changement est vécu comme une agression.

Nos chances :

1) La France compte de vastes espaces fertiles , faciles à exploiter, dans une zone tempérée.

2) L'enseignement agricole et la recherche sont des institutions fortes propres à former encore et encore des hommes propres à exploiter au mieux ces espaces.

3) Notre marché de consommateurs européens consacre une faible partie de leur pouvoir d'achat à l'alimentation, contrairement à ce que nous pouvons entendre ici et là.

Nos faiblesses :

1) La France manque de plasticité du marché foncier agricole, victime d'un modèle capitalistique dépassé.

2) Les volontaires pour embrasser le métier d'agriculteur sont de moins en moins nombreux en raison  du niveau d'investissement nécessaire et d'une image un peu brouillée : conditions de travail.

3) les incertitudes pesant sur le climat, et la vitesse des adaptations nécessaires font peser des doutes sur la rentabilité sur certaines zones du territoire ou certaines productions.

Ce tournant nécessaire à conduit le monde agricole à se radicaliser, comme le montre les résultats électoraux des chambres d'agriculture avec une montée très sensible de la Coordination rurale, étiquetée à l'extrême-droite.