Bétharram - Gardés à vue

Lu sur le site de 20 minutes

Rayures noiresAffaire Bétharram : « Cheval », « PM » et un prêtre nonagénaire, qui sont les gardés à vue ?

Trois individus ont été placés en garde à vue mercredi à Pau pour viols, agressions sexuelles, et violences susceptibles d’avoir été commis entre 1957 et 2004 sur des élèves de Notre-Dame de Bétharram, dans les Pyrénées-Atlantiques.

Un an après la création du groupe des anciens de Bétharram sur Facebook, par Alain Esquerre, et visant à rassembler les témoignages des sévices subis pendant plusieurs décennies dans l’établissement Notre-Dame-de-Bétharram, situé près de Lourdes, dans les Pyrénées-Atlantiques, les premières gardes à vue ont eu lieu, ce mercredi.

Trois hommes, deux laïcs et un prêtre, sont entendus pour des faits de viols, agressions sexuelles et violences commis entre 1957 et 2004 sur d’anciens élèves de l’établissement, qui ont récemment brisé le silence. Dans les récits du groupe, ils sont décrits comme « Cheval », un surveillant de dortoir, son acolyte « PM » mais aussi un prêtre, aujourd’hui âgé de 94 ans. La garde à vue de ce dernier a été levée ce jeudi, a informé le parquet de Pau tandis que celle des deux autres a été prolongée.

« Cheval », un surveillant violent et sadique

« Cheval est au perron !!! », c’est un post écrit à l’annonce des gardes à vue, sur le groupe Facebook des anciens et victimes de Bétharram. Victime du surveillant général surnommé « Cheval », son auteur a renoué pour l’occasion avec le jargon des internes de Bétharram. Décrit comme particulièrement « sadique », ce surveillant avait l’habitude de retourner sa chevalière avant d’infliger ses coups, ce qui lui a valu son surnom. Le perron, c’est là où il envoyait de longues heures dans le froid, quasiment nus, des élèves qui ne devaient pas bouger.

Le dortoir dans les années 1980 à l'institut religieux notre-Dame de Bétharram.

Aujourd’hui septuagénaire, il a laissé de très douloureux souvenirs à d’anciens élèves qui s’accordent sur sa cruauté. Des récits de piqûres dans les fesses et de doubles claques assénées après relevage des oreilles ont laissé d’horribles souvenirs aux anciens élèves. Un des témoignages qui figure sur ce groupe relate des faits encore plus graves : « Il a été mon violeur durant mes quatre années de 1983 à 1988 et comble du vice, il m’a nommé sonneur durant ma dernière année pour m’avoir à disposition. J’espère que justice sera faite. »

« PM », l’acolyte de « Cheval »

Cet ancien surveillant, âgé de 59 ans était surnommé « PM » par les enfants et décrit comme le « copain » de « Cheval ». Il aurait sévi en particulier pendant les camps scouts dont il avait la charge le mercredi après-midi, raconte La Dépèche du Midi. Il vivait à quelques centaines de mètres de Notre-Dame-de-Bétharram et aurait emmené plusieurs élèves à son domicile, selon les informations du quotidien régional.

Arrivé en 1983 dans l’établissement privé, il était encore en poste jusqu’à récemment. Il n’a été écarté que grâce à l’action d’Alain Esquerre, lanceur d’alerte dans cette affaire.

Un prêtre âgé de 94 ans qui terrifiait les enfants

Ce nonagénaire officie à Notre-Dame de Bétharram dès les années 1950. Selon l’un des principaux témoins dans l’affaire, Jean-Louis Delbos, âgé de 78 ans aujourd’hui, ce clerc était craint par tous les élèves à l’époque.

« En 1957, arrive au dortoir un jeune ecclésiastique dont nous avions une peur irraisonnée, écrit-il dans une lettre à François Bayrou qu’il a transmis à 20 Minutes. La suite vous la subodorez… Venir la nuit, soutane ouverte, accroupi au pied de mon lit, pour venir me faire des attouchements et des fellations… Puis il allait faire sa macabre mission sur d’autres copains… Avec toujours le même lexique : "Rendormez-vous, c’est rien." Cela a duré jusqu’en fin 1961. »

On dénombre 132 plaintes déposées au 20 février dans cette affaire qui pourrait encore prendre de l’ampleur. Au travers des récits du groupe, on lit l’angoisse du dimanche soir de retourner à Bétharram, les enfances détruites, la haine née là-bas contre la religion et ses représentants, et des cauchemars encore présents chez des victimes pour certains septuagénaires.

On lit aussi la compassion de ceux qui n’ont vécu « que » des violences physiques vis-à-vis de ceux qui ont subi des violences sexuelles.

Rayures noires

Trois hommes, dont deux laïcs et un prêtre, ont été placés en garde à vue dans le cadre d’une enquête sur des agressions sexuelles et des violences commises entre 1957 et 2004 à l’établissement Notre-Dame-de-Bétharram. L’une de ces gardes à vue a été levée jeudi, les deux autres prolongées.

Les principaux suspects sont un surveillant surnommé « Cheval », connu pour sa violence et son sadisme, son acolyte « PM » qui aurait sévi lors de camps scouts, et un prêtre de 94 ans accusé d’agressions sexuelles sur des enfants dans les années 1950-1960. La garde à vue de ce dernier a été levée ce jeudi.

Un groupe Facebook créé par Alain Esquerre a permis de recueillir de nombreux témoignages, qui montrent des violences physiques habituelles et des violences sexuelles. 132 plaintes ont été déposées à ce jour.

Deux hommes sont toujours placés en garde à vue dans l'affaire Bétharram. La justice cherche à savoir si certains faits ne sont pas prescrits et pourraient faire tomber une partie de la prescription.

Depuis 2021, le délai de prescription d’un viol, d’une agression sexuelle sur un mineur peut être allongé si l’auteur est soupçonné d’avoir récidivé. Dans l’affaire Bétharram, un viol non prescrit pourrait permettre de rattacher des faits plus anciens.

Une course contre la montre et une plongée dans le temps. Tel est le paradoxe de l’affaire Bétharram, cette tentaculaire enquête de violences physiques et sexuelles au sein de cet établissement catholique des Pyrénées-Atlantiques. Près d’un an après l’ouverture, par le parquet de Pau, d’une enquête préliminaire, deux hommes, âgés de 59 et 69 ans sont en garde à vue depuis mercredi. Ils sont entendus pour des faits de violences, viols et agressions sexuelles aggravées entre 1957 et 2004.

Un troisième homme, âgé de 93 ans, a été libéré ce jeudi. Une avancée majeure saluée par les familles des victimes qui ne prédit toutefois pas de l’issue du dossier. Car dans cette affaire la question de la prescription est centrale. C’est même l’un des enjeux de l’enquête préliminaire : déterminer si certains faits ne sont pas prescrits et pourraient un jour, s’ils sont suffisamment étayés, donner lieu à des poursuites.

Des faits commis entre les années 1950 et 2010

Le collectif de victimes de Bétharram a recensé à ce jour 132 plaintes – le parquet, lui, évoquait début février le chiffre de 112 – pour des faits qui auraient été commis entre les années 1950 et le début des années 2010. Pour chacun des faits allégués, il convient d’analyser s’il est prescrit ou non. Une tâche titanesque puisque le délai varie en fonction de l’époque des faits. « C’est ce qu’on appelle le principe de non-rétroactivité, une loi ne peut s’appliquer à des faits antérieurs à sa promulgation », précise Me Carine Durrieu Diebolt, membre de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants.

Les viols, par exemple, étaient jusqu’en 1989 prescrits au bout de dix ans, que la victime soit ou non majeure. Aujourd’hui, le délai de prescription pour un viol sur mineur est de trente ans à partir de la majorité. Entre-temps, pas moins de six lois sont passées pour étendre ce délai. Pour les agressions sexuelles sur mineur, le délai est désormais de vingt ans à la majorité. Il était de trois ans à partir des faits jusqu’en 1994.

Prescription glissante

Un principe, toutefois, pourrait changer la donne : la « prescription glissante », introduite dans la loi d’avril 2021. Cette notion, qui ne s’applique qu’aux crimes et délits de nature sexuelle visant des mineurs, prévoit une prolongation de la prescription si la même personne récidive dans un délai non prescrit. « Il s’agit d’un allongement de la période de prescription qui permet de mieux prendre en compte la question de la sérialité dans les affaires pédocriminelles », poursuit l’avocate. En clair : si les magistrats parviennent à établir que certains faits de viols ou d’agressions sexuelles n’étaient pas prescrits en 2021 – au moment où la loi a été promulguée – des faits plus anciens impliquant le même auteur pourraient alors être rattachés.

Quid des violences physiques qui constituent l’immense majorité des plaintes ? Si la prescription glissante ne peut s’appliquer puisqu’il ne s’agit pas d’un crime sexuel, il existe, dans la jurisprudence, un principe de « connexité », souligne Me Durrieu Diebolt. Si des faits prescrits s’inscrivent dans un lien précis avec d’autres faits – notamment s’il s’agit du même auteur, du même mode opératoire – un acte d’enquête, notamment une plainte, peut interrompre la prescription. Conscient des difficultés que pose l’affaire, le collectif de victimes estime qu’une poignée de plaintes ne sont pas prescrites. Si tel est le cas, une information judiciaire, confiée à un juge d’instruction, pourrait alors être ouverte.

 

Date de dernière mise à jour : 20/02/2025