Le puissant fleuve du Rhône n’a aujourd’hui aucun mal à refroidir les 14 réacteurs nucléaires qui se trouvent sur ses rives.
Mais qu’en sera-t-il au cours des prochaines décennies, quand les débits estivaux auront baissé au rythme de la fonte des glaces et que les eaux auront chauffé ?
La construction de deux EPR2 au Bugey est-elle pertinente ?

Il est déjà le fleuve le plus nucléarisé de France, avec 14 réacteurs installés à Saint-Vulbas (Ain), Saint-Alban (Isère), Cruas (Ardèche) et Tricastin (Drôme). Et le Rhône n’est pas près de perdre ce statut. Puisqu’il est, pour l’heure, le seul cours d’eau à avoir été intégré dans le plan de relance de la filière nucléaire voulu par le président Emmanuel Macron. Avec deux réacteurs supplémentaires annoncés à Saint-Vulbas (Bugey), quand les quatre autres EPR2 doivent être construits en bord de mer (Manche et mer du Nord).
• Risque infime
Cette domination du Rhône sur l’atome, représentant un quart de la production nationale, n’a évidemment rien d’un hasard. Elle tient à l’exceptionnelle puissance du fleuve (premier débit de France avec 1 700 m3 /s à l’embouchure), qui n’a aujourd’hui aucun mal à satisfaire les besoins des centrales nucléaires, estimées à 355 m3 /s ; sachant que l’essentiel de ces prélèvements est immédiatement rendu au milieu après refroidissement des réacteurs.
Toutefois, on le sait, le réchauffement climatique va bouleverser la distribution annuelle des débits du fleuve lyonnais au cours des prochaines décennies. Au point que certains glaciologues imaginent un Rhône extrêmement bas, en été à la fin du siècle, quand les sources glaciaires auront fondu.
De quoi inquiéter sur la capacité de pouvoir refroidir encore les centrales demain. Avec les risques qui vont avec…
Fort heureusement, le scenario catastrophe d’un Rhône asséché au point de ne plus pouvoir assurer la sécurité des réacteurs qui fonctionneront encore sur ses rives en 2100 est quasiment nul. Car il faut moins de 10 m3 /s pour assurer le refroidissement des cœurs des réacteurs à l’arrêt selon les données de l’Agence de l’eau publiées dans son étude sur l’hydrologie du Rhône sous changement climatique ; un débit infime qui défie toutes les courbes les plus pessimistes.
D’autant qu’un recours aux eaux du lac Léman serait toujours possible en cas de crise sévère (lire par ailleurs).
• Vers une production au ralenti en été pour sauver la faune ?
À en croire EDF, la baisse attendue de la puissance du Rhône en été ne devrait d’ailleurs pas réellement perturber les réacteurs nucléaires, même lorsqu’ils tournent à plein régime. « En périodes d’étiage, un débit minimum de 150 m/s est garanti par les mesures d’exécution des Eaux d’Arve qui ont été renouvelées fin 2024 entre la France et la Suisse », indique le groupe, qui s’est doté de son propre service climatique pour anticiper les modifications du climat.
« Ce débit est suffisant pour assurer les usages prioritaires : eau potable, hydrobiologie, production électronucléaire. Car la consommation d’eau d’une paire de réacteurs EPR2 représente seulement 1,7 % de ce débit au Bugey (80 % de l’eau prélevée est restituée). »
Demeure toutefois le problème de l’inévitable hausse de la température du Rhône, à laquelle participent les centrales. Il y a tout juste un an et demi, EDF a, en effet, été contraint, par arrêté, de stopper un des réacteurs de la centrale du Bugey en raison d’une température trop élevée de l’eau (26 degrés), faisant courir un risque pour la faune et la flore.
Or, à l’avenir, le Rhône est promis à des hausses de 1,1 à 3 degrés selon les différents scenarii du Giec [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat]. L’Agence de l’eau table ainsi sur une baisse de production annuelle des actuelles centrales du Bugey d’environ 5 % en 2055. Avec un pic à -22 % en août, qui risque forcément de grimper encore au fil du réchauffement climatique. Pas idéal dans un monde où la voiture électrique et la climatisation devraient devenir la norme…
Pour autant, EDF reste confiant quant à sa capacité à répondre à tous les besoins : « Même avec des taux d’équipement élevés, les consommations de climatisation resteront loin derrière celles du chauffage. De plus, avec un pilotage optimisé, la climatisation en été pourra être idéalement couplée à la production solaire. »