
Publié par Le Progrès ce mercredi 4 décembre, ce dossier est à suivre attentivement...
Le lycée musulman de Décines visé par une procédure de la préfecture
Unique lycée musulman sous contrat avec l’État en France, l’établissement Al-Kindi de Décines-Charpieu pourrait perdre ce statut qui assure le financement de ses enseignants. La préfecture du Rhône envisagerait la résiliation du contrat d’association, selon la direction du lycée.
Y aura-t-il encore un lycée musulman sous contrat d’association avec l’État à la rentrée 2025 en France ? L’établissement privé Al-Kindi de Décines-Charpieu est aujourd’hui le seul du genre à recevoir des financements publics depuis la rupture du partenariat avec le lycée Averroès de Lille fin 2023. Or, dans un communiqué ce 3 décembre, la direction affirme que la préfète du Rhône Fabienne Buccio envisage « la résiliation des contrats d’association liant le groupe scolaire à l’État ».
Auprès du Progrès , la préfecture du Rhône confirme qu’une procédure est en cours et que la direction du lycée sera reçue le 12 décembre devant la commission académique de concertation. Aucun motif n’a pour l’instant été évoqué.
« Acharnement systématique »
L’établissement a fait l’objet de plusieurs contrôles en 2024, notamment au mois d’avril, de manière « inopinée », avec « une quinzaine de personnes qui ont questionné les enfants et les encadrants », selon Kamel Kabtane, le recteur de la Grande mosquée de Lyon, par ailleurs président du Conseil des mosquées du Rhône. Contacté par Le Progrès , il évoque « une crainte pour l’ensemble de la communauté musulmane » et s’inquiète de la possibilité que « le moindre reproche à faire à l’établissement soit accentué, sans lui laisser la possibilité de corriger des erreurs ».
Dans le même esprit, Makhlouf Mamèche, président de la Fédération nationale de l’enseignement privé musulman (FNEM), a déploré ce 3 décembre « cet acharnement systématique qui vise les établissements privés musulmans, soumis à des décisions disproportionnées et à des contrôles intensifiés, en comparaison avec d’autres réseaux d’enseignement privé ».
Ouvert en 2007, plus de 600 élèves en 2024
Al-Kindi avait ouvert en 2007 dans l’Est lyonnais, à la suite de plusieurs recours face aux refus répétés du rectorat. L’établissement avait noué un accord avec l’État en 2012. Pour l’année 2024-2025, 80 % de ses 22 classes, de l’école primaire au lycée, sont sous contrat, pour 621 élèves accueillis dont 172 au lycée, selon son site.
Mais, selon Abla Halkoum, assistante de direction, « l’expérience d’autres établissements, ainsi que le fond et la forme des contrôles, laissent à penser que » la possible décision de la préfecture « pourrait signer la faillite économique de notre établissement d’excellence ».
Les cas Averroès à Lille et Avicenne à Nice
L’allusion à « d’autres établissements » renvoie notamment au cas du lycée Averroès de Lille, en décembre 2023. L’État avait rompu il y a un an son contrat avec le principal lycée musulman de France. Décision de la préfecture du Nord alors motivée par des manquements administratifs, une obstruction à une inspection en 2022, et l’utilisation de contenus pédagogiques « hostiles à la République », plus précisément des livres de la bibliothèque et des supports pour un cours d’éthique musulmane.
L’établissement a saisi en référé le tribunal administratif de Lille, qui a rejeté le maintien temporaire du contrat le 22 juillet 2024. Une décision sur le fond est encore attendue. Désormais sans subvention depuis la rentrée 2024, le lycée a dû doubler ses frais de scolarité ; le nombre d’élèves a chuté de 450 à 270 en un an. D’où l’inquiétude de la direction d’Al-Kindi, qui craint un scénario similaire.
En revanche, trois semaines plus tôt, début juillet 2024, dans une affaire concernant également un établissement privé musulman, le tribunal administratif avait annulé l’ arrêté de fermeture définitive du collège Avicenne de Nice , pris par la préfecture des Alpes-Maritimes en mars 2024. Celle-ci reprochait à l’ensemble scolaire un « financement opaque », « contraire à la loi anti-séparatisme ».
Olivier Philippe